Aux prémices de la réflexion :
Je vais exposer ici des généralités qui peuvent différer selon les nombreuses structures et les professeurs, mais restent, tout de même, une tendance globale (il me semble), bien que cela tende de plus en plus à changer. J’écris ceci à partir de ma propre expérience et de nombreux échanges (amis, professeurs, élèves…), qui ont nourri ma réflexion. Ses prémices se penchaient plus particulièrement sur l’enseignement musical et artistique, mais je ne pense pas me tromper en disant que l’on retrouve des similitudes avec l’enseignement de nombreuses disciplines. Il n’est pas dans mon intention de dénigrer la manière dont on enseigne aujourd’hui, mais plutôt de mettre en exergue de nombreux points qui doivent grandement évoluer, afin d’atteindre un modèle plus intéressant (et respectueux) pour enseignants et élèves.
Je pense que l’on ne prête pas assez attention à la manière dont on enseigne (ou cela refait surface doucement…) ; qu’on a trop tendance à appliquer la même méthode à tous les élèves… Je trouve l’adaptabilité (certes pas toujours possible à mettre en place dans certaines structures) plus intéressante et enrichissante pour l’élève et le professeur. Le rabâchage est rarement d’une grande utilité…
J’avais un élève qui butait sur 4-5 mesures du prélude n°6 op. 24 de Chopin où il y avait une succession d’accords (à la main droite) et une ligne mélodique (le thème, à la main gauche). Je lui ai créé une petite méthode remplaçant les notes par des couleurs, suivant une logique spectrale (loin de ce que faisait Scriabine qui le faisait en fonction du cycle des quintes). La fois suivante, il savait exécuter le passage problématique sans se tromper ; et lorsque j’ai réutilisé cette même méthode en plein cours à un endroit qui le gênait, cela porta aussi ses fruits. L’élève n’a pas forcément la clé pour ouvrir toutes les portes. Le plus intéressant dans la pédagogie, c’est de mettre en œuvre différents moyens de communication qui amènent l’élève à la compréhension, à l’intérêt, lui permettant d’apprendre plus sereinement.
L’enseignement me paraît déconnecté de la réalité, ou trop enfermé dans sa seule pratique, manquant d’objets d’application direct : le solfège en cours de solfège, l’instrument en cours d’instrument (etc.). Alors qu’on aurait tout intérêt à enseigner en formant des passerelles entre les différents cours. Lorsque l’on travaille hors conservatoire, on est obligé de faire autre chose que juste l’instrument, on apprend les bases du solfège, l’analyse, on chante, on s’implique corporellement…
Car oui, l’enseignement me semble déconnecté du corps (un peu à l’image de notre société ; d’ailleurs la musique « classique » occidentale est avant tout une musique d’esprit, souvent déconnectée du corps). Les techniques pour se sentir bien, faire attention à son positionnement (comme la technique Alexander entre autres) sont rarement enseignées à l’élève (ou très tard, voire trop tard…), alors qu’elles sont essentielles au bon développement de l’élève et éviterait (ou préviendrait, au minimum) certains troubles tendineux par exemple. Il est particulièrement rare que des professeurs apprennent aux élèves à ressentir leur corps et à lâcher prise : répéter inlassablement « baisse les épaules » ou « tiens-toi droit » ne sert pas à grand-chose si l’on n’a pas ressenti la « posture d’équilibre » et compris son intérêt. A noter que la technique Alexander (ou d’autres méthodes corporelles similaires) ne sont pas réservées à la pratique artistique.
Enfin, l’enseignement me paraît déconnecté du monde qui nous entoure et des enjeux auxquels nous devrons bientôt faire face. Ceci est assez caractéristique de notre manière de faire société encore une fois : surconsommation, surexploitation des ressources, exploitation de personnes à l’autre bout du monde, délocalisation entrainant une forte dépendance par rapport aux autres pays, déforestation, fortes inégalités, vision capitaliste où chaque chose est décidée en fonction de son profit ou non, inaction politique sur les questions environnementales, non-respect de la parole d’autrui, jeunesse encore trop peu écoutée, etc. Ce qui nous permet de vivre (la flore et les écosystèmes qu’elle met en place), relégués au plan de simple objet de décoration ou d’apparat. Car, étant déconnectés de notre corps, nous sommes aussi déconnectés de la nature. Et, au lieu de coopérer, de prendre exemple sur elle pour innover (ou revenir à des techniques anciennes plus pérennes en terme de culture du sol), nous continuons d’user de méthodes absurdes (comme la monoculture par exemple). L’éducation étant un des nerfs importants de notre société, il est temps de la reprendre en main (et la société par la même occasion). Ce, à l’aide (entre autre) de nouvelles méthodes et moyens permettant d’atteindre un savoir, de faire société ; « faire civilisation » (Darwin).
C’est pourquoi, j’aimerais créer un lieu où l’on enseignerait la culture, les arts (et l’artisanat) en transversalité avec la nature, induisant, par la même occasion, de nouvelles manières d’occuper l’espace (terrestre) et d’y vivre. La société ayant besoin d’être repensée entièrement, il faudra réinventer une structure (et sa gestion) pour ce projet : changer les choses de l’intérieur prendrait bien trop de temps. Ce serait aussi l’occasion de créer une synergie entre différentes disciplines pour les faire travailler sur des projets communs (Création de décors, musique, danse, théâtre, en même temps) ; mais aussi d’organiser des résidences artistiques enrichissantes pour les élèves, les professeurs, les alentours…
Tout d’abord, il faudra se pencher sur les manières d’enseigner (dans différentes disciplines) à travers les études et méthodes mises en place par le passé. Ensuite, nous étudierons comment habiter le monde et le corps aujourd’hui ; être respectueux de son environnement. Ceci soulevant de nombreux détails pratiques et autres.
Ainsi, Comment enseigner avec une attitude plus respectueuse de l’élève, dans son intérêt, en respectant son intégrité physique et psychologique, sa curiosité, tout en prenant conscience du monde qui nous entoure pour faire société autrement ?
Comment créer une synergie entre les différentes disciplines, afin qu’elles se servent les unes des autres, ouvrant d’autres possibilités d’enseignement ?
Adaptabilité et Permaculture :
Pour finir, voici une petite métaphore entre ma vison de l’apprentissage et la permaculture. Il existe plusieurs techniques en autonomie (/permaculture) pour planter un arbre fruitier dans votre jardin, dont la greffe : vous commencez par regarder ce qui vit aux alentours ; vous trouvez l’arbre à greffer et y coupez la « pousse de l’année » et ses feuilles pour que la branche garde son eau ; vous y trouvez un bourgeon (un pétiole, qui permettra la greffe), que vous grefferez ensuite à un petit arbuste (qui vit déjà dans votre jardin) à l’aide de cordelettes (de matériaux naturels et biodégradables). Plus tard, vous enlèverez les feuilles et le haut de la branche (de ce petit arbuste) pour que la sève monte directement aux futurs fruits sur la branche.
Ainsi, le jardin, c’est le cerveau ; les alentours, sont les modes de compréhension de l’élève ; le bourgeon, la connaissance que vous voulez inculquer à l’élève ; l’arbuste, ce que l’élève sait déjà ; la cordelette, les moyens d’applications ; les feuilles, le temporairement superflu (avec tout de même l’intention d’aller droit au but) ; la sève, les connexions nerveuses du cerveau ; les fruits, résultat de l’apprentissage (/culture) et le plus important, la terre (/le terreau), qui organise ceci avec sens ; l’arbre y puise (et y puisera) ses ressources pour vivre et faire grandir ses branches. Il en va de même dans l’apprentissage.
Sébastien Avril, Mai 2021.
Tout ce petit laïus manque cruellement de sources. C’est pourquoi, ces généralités seront complétées par études et discussions sur de nombreux ouvrages, expériences, (etc.), avec un petit groupe de personnes (créé en Septembre 2021).
Si vous voulez être de la partie, n’hésitez pas à me contacter via Messenger (Seb Avril) ou par mail : projetcloches@gmail.com